vendredi 11 octobre 2013

Mon premier jour


C’est en cette belle journée du  9 octobre 2013 que mon service au sein de l’entreprise japonaise d’accessoires de mode « GLAMOUROUS » commence. L’entreprise est située dans le quartier aisé de Jingumae à Tokyo, soit à seulement une dizaine de minutes à pied de mon domicile. Comme demandé la veille par email, je me rends à l’entreprise pour 9 heures, bien qu’il soit mentionné 9h30 sur mon contrat de travail, très fraîchement signé. Je dois l’avouer je suis extrêmement nerveux, d’une parce que j’ai eu de nombreux échos négatifs sur le monde du travail au Japon, et de deux parce que j’ai achevé de lire « Stupeur et tremblements » d’Amélie Nothomb, deux jours auparavant. Il est 9h03 très exactement (je viens donc d’arriver il y a 3 minutes !), on me tend un aspirateur et me demande d’aspirer la moquette de tout le troisième étage. Pour information, le troisième étage est également le dernier du bâtiment. C’est à cet étage que se trouve la direction. Au Japon, la hiérarchie a une place primordiale dans toutes sociétés. Ainsi, plus on se rapproche du ciel et donc de Dieu, plus les personnes y travaillant sont importantes dans la société.  Je m’étais un peu préparer psychologiquement à ce genre de tâches qu’on qualifierait d’ingrates en Occident. Je m’exécute sans un mot. Cela me rassure de voir que d’autres personnes, de mon âge je pense, se mettent à la tâche également. L’une vide les poubelles de tous les bureaux, et d’autres rangent et dépoussièrent. Une de mes futures collègues me prend finalement l’aspirateur des mains, et me demande de la suivre. Nous arrivons très rapidement dans les toilettes, dans lesquelles elle me montre comment utiliser la brosse afin de nettoyer la cuvette des WC. Je regarde attentivement, et acquiesce pour lui faire comprendre que j’ai bien compris ses explications. Je ne le savais pas encore mais cette corvée matinale est vite devenue ma routine…

Je m’installe finalement à mon bureau, sur lequel je ne trouve ni ordinateur, ni crayon, ni papier. On m’explique alors que l’on m’a acheté un ordinateur avec Windows exprès pour moi. En effet, pendant mon entretien, j’ai mentionné que je n’étais pas très familier avec les Macintosh, ce que tous les employés de l’entreprise utilisent. Je trouve cette attention plutôt délicate. Etant assis dans mon fauteuil, j’en profite pour observer autour de moi. Je ne trouve pas de fenêtre dans la salle, enfin si, une, mais bien trop encombrée de cartons pour pouvoir laisser pénétrer la lumière naturelle. Je ne suis pas très à l’aise, certainement dû à ma légère tendance à la claustrophobie. Nous sommes, de plus, plus de 15 personnes dans la salle, ce qui n’arrange pas la situation. J’ai chaud, je me lève, et pars aux toilettes me rafraichir.

C’est une fois de retour à mon poste, le visage rincé, qu’une de mes collègues décide de me présenter à tous les membres de l’entreprise. Je commence par le troisième étage, puis le deuxième et finalement le premier. Nous nous présentons  chacun notre tour, et au fur et à mesure que j’entends mes collègues me dire leur prénom, je les oublie. Je suis bien trop concentré sur l’exactitude de mon japonais que sur ce que disent mes futurs collègues.

Une fois les présentations terminées, on m’indique que je peux retourner à mon bureau toujours aussi vide. Je m’assois et attends. Il se trouve que ce jour-là, étant tellement nerveux par ce premier jour de travail que j’ai pris quelques-uns de mes petits « bonbons ». Ce que j’appelle mes bonbons, ce sont en fait des comprimés de 50 gr d’Alprazolam, soit des anxiolytiques. Je n’aurais peut-être pas dû dépasser la dose autorisée ce jour-là. Résultat : au bout de quelques heures à tenter de déchiffrer des documents en japonais que l’on ma communiqués, je finis par m’endormir. C’est alors que ma voisine de gauche me frappe le bras. Je me réveille en sursaut, et m’excuse d’emblée avec plein de sincérité : « gomennasai, gomennasai… « (excusez-moi, excusez-moi). A ce moment-là, croyez-moi, j’ai vraiment honte. On décide alors de me donner un travail manuel à faire (pour m’empêcher de m’assoupir je suppose). C’est ainsi que pendant exactement 5 heures, j’ai découpé des étiquettes avec un cutter. Heureusement que je viens de valider mon MBA avec mention Bien la veille, car je n’aurais certainement pas pu réaliser cette tâche intellectuellement prenante avec succès ! Ce fût ma première journée de travail.